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CHARLES GUÉRIN.

— Admirable ! Les rêveurs comme Guérin n’en font jamais d’autres.

— Il pensait à Mademoiselle.. je sais bien qui ; mais on ne nomme pas les dames dans cette maison.

— Dis donc, qui est-ce qui a écrit ce Han d’Islande ?

— Un fou qui s’appelle Victor Hugo.

— Quel nom, et quelles idées !

— Ne badinez pas, nous ne sommes qu’en 1831. Dans dix ans on n’écrira plus que de cette manière.

— Allons, Jean Blond, tu les ouvres plus vite que tu ne les manges !

— C’est beaucoup dire.

— Ce qui me réjouit, c’est de voir qu’on ne les a pas lavées.

— On a bien fait ; c’est une propreté mal entendue. Il vaut mieux manger un peu de terre et ne rien perdre de leur saveur.

— Sans compter que c’est très dangereux de les laver. L’huitre s’ouvre.. son âme s’échappe ; et on court le risque de manger une huitre morte.

— Les huitres ont une âme ?

— Pourquoi pas ? Les conseillers législatifs prétendent bien en avoir chacun une !

— Savez-vous qu’on parle d’abolir le Conseil ?

— Oui, la Minerve et le Vindicator ont de fameux articles là-dessus.[1]

— C’est une nuisance, tout le monde en convient.

— C’est cela ; à bas le Conseil !

— Je ne veux pas qu’on abolisse le vénérable corps : je propose qu’on l'ouvre

— A bas le bureaucrate !

— Point d’aristocrate ici !

  1. Voir la note C à la fin du volume.