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CHARLES GUÉRIN.

soit arrangé… peut-être n’a-t-il pas obtenu la permission de mon oncle pour ce second voyage… peut-être est-il malade.. ou bien quelqu’accident… En voilà des peut-être ; et de bien tristes parmi !

Hier, j’ai eu la visite de la petite Rose Tremblay ; elle est bien nommée Rose : je n’ai jamais vu des joues si fraîches et si colorées. Cela m’a fait penser combien je devais être pâle. Je me suis regardée en passant dans mon miroir. J’ai eu peur de moi.

Rose se marie ; Elle est venue m’annoncer cela et faire, comme on dit, une visite d’adieu. Elle a premier et dernier ban dimanche. « Voilà ce que c’est, mamz’elle Marichette, m’a-t-elle dit en partant, il ne tenait qu’à vous. Si vous aviez voulu, ça ne serait pas moi qui me marierais mardi ! Fallait être bien difficile pourtant pour refuser Modeste Richard, un garçon si riche ! Il est vrai que vous avez trouvé un beau Monsieur, et que vous serez la dame d’un avocat, quelqu’un de ces jours… mais ce n’est pas une affaire faite et vous aurez peut-être bien du chagrin …»

Je lui ai dit qu’elle se trompait, que je ne me marierais jamais, que j’avais refusé son fiancé, parceque j’entendais bien rester vieille fille, pour avoir soin de mon père et raccommoder le vieux linge de la maison. J’ai trouvé le moyen de rire en lui disant cela ; mais, comme j’ai pleuré, quand j’ai pu être seule !

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8 Juin.

Je n’ai eu qu’une pensée toute la nuit et toute la journée, une pensée comme celles qu’on doit avoir dans l’enfer : Il en aime une autre !

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9 Juin.

Comme je me promenais seule dans la campagne, j’ai vu venir de loin un convoi funèbre. La mort a quelque chose de