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CHARLES GUÉRIN.

des amis ; ça ne vaut jamais rien pour une créature de se mettre dans les langues. »

La vieille est-elle piquée de ce que je ne lui fais point de confidences ? Ou bien, dit-elle vraie ? Cela ne laisse pas que de m’inquiéter.

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26 Mai.

Mon père m’a pris dans ses bras, et il m’a demandé ce que j’avais à être triste. Je lui ai dit que j’étais malade. Effectivement, je n’ai point menti. Seulement, je ne suis pas triste par ce que je suis malade ; mais je suis malade par ce que je suis triste. J’ai eu cette nuit une fièvre très forte ; si je me souviens bien, je me suis levée dans ma chambre et j’ai récité une grande partie de mon rôle d’Athalie. Il me semblait que Charles était là qui m’écoutait…

Comme mon père est bon ! Ce soir, en rentrant dans ma chambre, j’ai trouvé une belle pièce de soie ; j’ai été voir papa et je lui ai dit que ça me faisait de la peine qu’il fît de la dépense pour moi… Il me dit que la récolte de l’année dernière avait été excellente, qu’il avait fait de bonnes affaires cet hiver ; qu’il savait bien ce qu’il fesait… Je vais me faire une belle robe. Émilie m’enverra bien un patron. Cet ouvrage me distraira peut-être et me consolera… Quand il reviendra, je n’aurai pas honte de me montrer devant lui… Et puis ma vieille robe brune du couvent était si laide !

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3 Juin.


Il m’oublie, c’est bien certain !… aujourd’hui le 3 de juin, je n’ai pas encore de ses nouvelles… et il devait être chez sa mère le premier de mai… peut-être m’a-t-il écrit et sa lettre est-elle restée en chemin… peut-être a-t-il de grandes difficultés à vaincre et ne veut-il pas m’écrire avant que tout