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CHARLES GUÉRIN.

à-vis. Charles se tint près du quadrille et par un effort de hardiesse et d’habileté trouva le moyen d’engager Mlle Wagnaër pour le troisième. Elle l’était déjà pour le second avec l’autre militaire.

L’entrain de la danse, la musique assez bonne, l’éclat de la fête ne tardèrent pas à animer tous les invités d’une gaieté bruyante qui effaça bientôt les distinctions les plus désagréables. Le bal fut ravissant.

Clorinde après avoir dansé avec Charles refusa tout autre cavalier, sous le prétexte que lui offrait son rôle de maîtresse de maison. Elle fit avec Louise et son frère le tour des appartemens et du jardin pour voir si tout était bien.

En passant près des peupliers du jardin, Charles apperçut son ami Voisin qui s’était adossé à un de ces arbres, et paraissait chercher dans la contemplation de la voûte étoilée, une compensation à sa solitude et à son ennui. Il eût pitié de lui et l’indiquant à Clorinde qui ne pût s’empêcher de sourire, il prit congé d’elle et fut le rejoindre.

Comme pour remercier son ami, Henri ne tarit pas en éloges sur Louise et sur Clorinde. Il le félicita d’avoir dans une de ces charmantes personnes, une sœur chérie, et dans l’autre…. bientôt, peut-être plus qu’une sœur.

Il est juste de dire qu’il y avait encore plus de vérité que de flatterie dans ces paroles. Mlle. Wagnaër et Mlle. Guérin étaient bien certainement les deux reines du bal, quoique belles chacune à sa manière. Clorinde un peu brune avait de ces teints animés et transparents qui ont le velouté de la pêche. Elle avait de grands yeux noirs tempérés dans leur éclat, par la mélancolie que projetaient sur leurs regards, les longs cils qui les recouvraient, un profil grec assez correct, des lèvres un peu plus épaisses qu’un peintre ne l’aurait désiré, mais pleines de fraîcheur et de volupté dans leurs contours. Son expression un peu sévère devenait gracieuse lorsqu’elle causait,