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CHARLES GUÉRIN.

toates ces difficultés, elle en était venue à la détermination généreuse de laisser à Charles sa liberté, sans conserver la sienne. Elle allait lui promettre sur le champ de n’avoir jamais d’autre époux que lui, et lui de son côté, après avoir consulté sa mère, devait contractez, s’il était toujours dans les mêmes sentimens, un engagement semblable et demander lui-même à M. Lebrun la main de sa fille. Tout cela n’avait d’inconvéniens que ceux qui pouvaient résulter d’un tête-à-tête trop prolongé dans de semblables circonstances ; et comme elle était aussi courageuse que bonne, Marie ne donna au beau monsieur de la ville que deux jours pour faire ses paquets et ses adieux, au grand regret de la vieille voisine, qui trouva bien vilain de chasser si vite un si joli garçon, uniquement parce qu’il avait le tort d’aimer et d’être aimé. Il est inutile de dire que la mère Paquet était parfaitement au courant de tout ce qui se passait, et en savait beaucoup plus long que M. Lebrun. En pareille matière tromper une femme, jeune ou vieille, est chose impossible.

Les deux jours de grâce furent employés à arrêter les détails du plan dont on était convenu. Il fut dit entr’autres choses que Charles tâcherait d’amener sa mère à Québec pendant l’été, et que Marie s’y rendrait de son côté pour se rencontrer avec elle, ce qui était facile, grâce à la parenté des Lebrun avec M. Dumont. Il était bien probable que Madame Guérin ne consentirait pas à accepter pour bru une jeune fille dont elle n’avait pas encore fait la connaissance, et qu’elle tiendrait à s’assurer par elle-même de toutes les merveilles que Charles allait lui conter. Une telle inspection devait répugner beaucoup à Marie ; mais elle avait au fonds assez bonne opinion d’elle-même pour braver cette épreuve, et Charles la rassura tout-à-fait en lui peignant sa mère, avec raison, comme la meilleure des femmes.

Le point de vue financier de la question ne fut pas oublié,