que Charles lui fesait, lorsqu’elle venait, confiante en lui et triomphant de ses propres résistances, lui annoncer une décision qui, pensait-elle, allait le rendre plus heureux qu’un roi.
— Certes, dit-elle, il faut que cette vilaine lettre vous ait appris de bien mauvaises nouvelles, puisque vous paraissez si sérieux. Y aurait-il quelque malheur dans votre famille ?
— Non, mademoiselle : seulement on me gronde un peu. On trouve que je prends bien mon temps, pour m’instruire… et, à dire la vérité, si je continue comme j’ai commencé,… ma foi, je ne serai pas juge-en-chef[1] de sitôt.
— Et tenez-vous beaucoup à être juge-en-chef ?
— Bien peu, je vous assure ; je tiens à vivre… et à vous aimer.
— Ah ! je commençais à croire que vous aviez tout-à-fait oublié… que vous m’aimiez. Vous vous rappelez ce que je vous avais dit, que je ne voulais plus vous écouter parler de votre amour, avant d’en avoir parlé moi-même à mon père…..
— Et votre père qu’a-t-il dit ? Vous prenez plaisir à me tourmenter. Vous n’avez donc rien à m’apprendre et je n’ai rien à espérer ?
— Est-ce que vous tenez à avoir une réponse ? Il me semble que vous n’avez pas paru bien empressé d’abord.
— Marie, vous êtes bien cruelle ! Vous vous jouez de mon amour. Vous ne savez pas qu’à peine vous ai-je connu ; je vous ai aimé. Je vous aimais avant de vous l’avouer.. de me l’avouer à moi-même. Comme à vous cet amour me fesait peur : parce qu’après tout, c’était quelque chose de sérieux pour vous et pour moi. Eh ! bien, quitte à voir tous les malheurs du monde fondre sur moi, quitte à rester isolé de tout le reste du genre humain, avec vous, Marie, je serai heureux. Je serai
- ↑ Traduction littérale du mot anglais Chief Justice (Président de la Cour Royale).