dans les yeux. On a bien de la peine à voir ceux de Guillot qu’il tient toujours baissés ; et quand on les voit, on ne voit rien de bien beau : deux vilaines prunelles vertes comme celles d’un chat, mais qui ont l’air à dormir. Ton M. Voisin, lui, vous a des petits yeux gris perçans qui cherchent ce que vous pensez. Son nez long et mince, et sa bouche pincée qui a toujours l’air de se cacher sous son nez, pour rire sous cape, et son visage de parchemin, me déplaisent aussi beaucoup. Ça n’est pas, au moins, pour te faire de la peine que je te dis cela : je suppose, que vous autres hommes, quand vous avez un ami, vous vous occupez fort peu qu’il soit beau ou laid.
« Ce sont encore là des idées de petites filles. Encore une de ces idées. Il y a eu un moment, où M. Wagnaër, M. Voisin, et Guillot le commis, se sont parlé à voix basse : je les ai trouvés si laids tous les trois, qu’ils m’ont presque fait peur. Ça ressemblait à une consultation de sorciers.
« Je vois que je t’ai assez conté de folies comme cela ; il est temps que je finisse. Maman me charge d’une commission pour toi. Elle dit, que puisque tu as bien trouvé le moyen d’aller sans sa permission passer une quinzaine de jours chez des gens que tu ne connais pas, il est bien juste que tu viennes nous voir aussitôt que la neige sera partie.
« À ce compte-là, tu peux croire si j’ai hâte que le duvet blanc qui couvre nos prairies disparaisse, et si toute la neige qu’il y a dans la paroisse voulait fondre le même jour, j’y consentirais au risque d’une inondation !
Marichette fut surprise en levant les yeux sur le jeune homme, de l’expression de tristesse et d’hésitation qui régnait sur sa figure. Cette lettre l’avait vivement impressionné. Les soupçons de Louise, les reproches à demi voilés de M. Dumont, ceux si adoucis de Madame Guérin n’étaient que trop mérités. Un remords, qui n’est pas le moins inexorable des remords, la