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CHARLES GUÉRIN.

IV.

NE M’OUBLIEZ PAS.



DEUX jours s’étaient passés, et fidèle à sa résolution, Marie avait évité toute conversation particulière avec Charles, hors de la présence de son père. Le matin du troisième jour, plus pâle que d’ordinaire, toute tremblante, et comme honteuse d’elle-même, elle s’approcha du jeune homme, qui de son côté n’était pas moins ému.

Il tenait à la main une longue lettre qu’il venait de lire, et qui, tachée de graisse, usée à tous ses plis, sentant le tabac d’une lieue, n’en était pas moins de la jolie petite écriture de Louise. La pauvre missive n’était arrivée à sa destination qu’après huit jours, bien que la poste n’en eût mis que trois à la transporter de chez Madame Guérin à la paroisse voisine de celle où se trouvait notre héros. Alors avant de l’envoyer à M. Lebrun, aux soins de qui elle était adressée, ceux chez qui on l’avait remise, avaient jugé convenable de lui faire passer une couple de jours derrière un miroir ; après quoi, ils avaient songé à la remettre à un habitant qui l’avait passé à un autre, qui, après l’avoir fait séjourner dans sa poche, en compagnie de sa blague, toute une journée, ne s’était décidé que le lendemain à la rendre à son adresse.

Cette lettre, après tant d’aventures, a bien quelques droits à l’attention de nos lecteurs : aussi allons-nous lui laisser la parole.