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CHARLES GUÉRIN.

Charles ne put s’empêcher de sourire, en trouvant dans celui de ces livres qu’il ouvrit le dernier, le passage suivant :

« L’amour est actif, sincère, pieux, gai et agréable : il est fort, il est patient, il est fidèle, il est prudent, il est persévérant, il est courageux, et ne se cherche jamais lui-même ; car dès qu’on se cherche soi-même, on cesse d’aimer.

« L’amour est circonspect, humble et équitable, il n’est ni lâche, ni léger, il ne s’arrête point à des choses vaines, il est tempérant, il est chaste, il est ferme, il est tranquille, et il fait bonne garde à tous ses sens[1]. »

Cette incomparable définition lui parut une de ces fines leçons, que la providence nous envoie au moment où l’on s’y attend le moins ; et à dire le vrai, il y trouva d’autant plus d’àpropos, qu’il se sentait le désir et le besoin d’aimer Marie d’une manière digne d’elle. La jeune fille, après avoir captivé son cœur, venait de subjuguer son esprit.

Mais loin d’en être rendu à cet amour héroïque et sage qu’on venait de lui décrire sous le nom d’amour divin, il était au contraire en proie à cette vague souffrance de l’âme, à ce tumultueux réveil des sens, à ce délirant cortège de pensées et d’images séduisantes, si dangereux dans le moment, mais si doux au souvenir, lorsqu’à travers les glaçons à peine transparens de la vieillesse, on entrevoit encore, dans un passé lointain, la flamme vive et légère d’un premier amour.

  1. Imitation, livre 3, chap. 6.