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CHARLES GUÉRIN.

— Encore ! Et vous avez voulu presque me faire croire que vous m’aimiez ? Il y a beaucoup trop de philosophie à mon goût dans cet amour-là…

— Ah !… eh ! bien, oui… je suis un peu philosophe.

— Et où avez-vous pris cela à votre âge ?

— Dans quelques livres que je lis quand je n’ai rien à faire. Ils sont-là sur cette petite armoire. Il y en a que l’on m’a donnés, il y en a d’autres que j’ai achetés avec mon pauvre argent, et il y en a que l’on m’a prêtés. Il arrive aussi que, tout en travaillant, je pense… et en pensant ainsi, et en lisant, je trouve tous les jours quelque chose de nouveau. Je suis bien obligée de réfléchir un peu, voyez-vous, je n’ai pas de mère qui pense pour moi. Et tenez, à présent par exemple, je vais me retirer dans ma petite chambre : il sera peut-être bien tard quand je dormirai… Bonsoir, monsieur Guérin !

Ce bonsoir fut dit d’un ton inimitable ; Charles en resta tout stupéfait, il ne sut que dire pour retenir auprès de lui la jeune fille. Quand elle fut sortie, il se dirigea vers la petite bibliothèque, et d’un air boudeur et distrait, il culbuta du revers de la main tous les volumes qui la composaient ; puis se mit à les feuilleter l’un après l’autre.

Voici quels étaient les titres de ces ouvrages : —
 L’imitation de Jésus-Christ,
 L’éducation des filles par Fénélon,
 Les Aventures de Télémaque,
 Le Théâtre de Racine,
 L’Introduction à la vie dévote, par Saint François de Sales,
 Les Fables de Lafontaine,
 Les Caractères de Labruyère,
 L’Histoire de la Nouvelle-France, par Charlevoix,
 Les Lettres de Madame de Sévigné,
 Adèle et Théodore, par Madame de Genlis,
 Paul et Virginie.