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CHARLES GUÉRIN.

— Mais, mon Dieu, cela n’est pas possible, dit naïvement le jeune homme d’un air assez alarmé pour faire sourire son interlocutrice… d’abord vous allez laisser ce vilain nom.

— Cela n’est pas certain, monsieur, et puis on ne se débarrasse pas d’un nom d’amitié que son père vous a donné le croyant bien beau, comme on veut bien. À part de cela, comme il y a beaucoup de poésie et de roman dans votre amour, d’après ce que vous me dites, et que ces choses-là s’en retournent comme elles viennent, je cours grand risque de redevenir Marichette, dans votre imagination du moins, au premier moment. Et puis, à vous dire le vrai, j’aurai peut-être bien de la peine à me soutenir ainsi longtemps au-dessus de mes habitudes, pour vous plaire.

— Après tout, qu’est-ce que tout cela doit vous faire ? Si je veux vous aimer : Marie ou Marichette ; si je vous jure que je vous trouve encore plus aimable avec votre petit mantelet, votre grande câline et votre jupe de droguet, qu’avec votre belle robe à la mode…

— Oui, à la mode il y a deux ans, à la mode du couvent encore, s’il vous plaît !…… Quand j’y pense, je dois être un peu moins bien comme cela qu’autrement.

— Laissez-moi donc dire… si je vous jure que, sous quelque nom que je me rappelle votre souvenir, quelque chose que je puisse refaire de vous dans ma pensée, j’adorerai toujours ce nom, je chérirai toujours ce souvenir…

— Eh bien, quand vous aurez juré tout cela ?

— Oui, quand j’aurai juré cela……

— Il ne vous restera plus qu’à le tenir. On m’a toujours dit que c’était le plus difficile.

— Vous avez bien mauvaise opinion de moi ?

— Non, c’est vous qui avez aujourd’hui une trop haute idée de moi : cela s’évanouira à votre retour à Québec.