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CHARLES GUÉRIN.

gieusement l’aîné des deux jeunes gens, la journée avait été réellement employée à des débats continuels. Fatigués de leurs courses et de leurs discussions, ils étaient assis sur l’herbe tout près de la blanche maison paternelle, et silencieux, ils contemplaient la nature grandiose qui se déroulait de tous côtés. Le spectacle qu’il y avait là, était digne en effet de suspendre un instant leurs préoccupations ; il suffisait d’y plonger ses regards pour se laisser prendre à une de ces longues rêveries qui, dans la jeunesse surtout, ont tant de charmes.

C’était vers la fin d’une belle après-midi du mois de septembre, et l’endroit natal des jeunes Guérin était une de ces riches paroisses de la côte du sud, qui forment une succession si harmonieuse de tous les genres de paysages imaginables, panorama le plus varié qui soit au monde, et qui ne cesse qu’un peu au-dessus de Québec, où commence à se faire sentir la monotonie du district de Montréal.

La maison de madame Guérin était peu éloignée de la grève, dont le grand chemin seul la séparait. C’était une longue bâtisse enduite de chaux, avec des cadres figurant de larges pierres noires autour des fenêtres, et une porte surmontée d’un petit fronton vermoulu, et appuyée sur un vieux perron de pierres, dont plusieurs tremblaient sous vos pas. Elle paraissait divisée en deux parties, et le toit de l’une était un peu plus élevé que celui de l’autre ; une petite porte au coin servait d’entrée à la partie basse, évidemment destinée aux serviteurs et aux passans. Cette maison n’était point celle qu’avait habitée M. Guérin, mort il y a déjà si longtemps que ses enfans l’avaient à peine connu. Celle-là était une construction dans le goût moderne, située à deux arpens de l’autre, lambrissée en bois, recouvert de sable brun, avec un toit à la japonaise, peint en gris fer, et des raies blanches au bord ; il y avait des persiennes aux fenêtres, jusqu’à la porte du centre, seulement les autres ouvertures formaient les vitraux assez mesquins d’une boutique ou