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CHARLES GUÉRIN.

III.

UN PREMIER AMOUR.



UNE lieue et davantage séparait la maison de M. Lebrun, de celle où venait de se fêter si dignement la Mi-carême, espèce de saturnale où le peuple un peu lassé de la vie mortifiée que l’église lui prescrit, prend sa revanche des privations passées et semble narguer les jeûnes à venir.

Pendant la plus grande partie du trajet, tout en s’efforçant de conduire sans encombre son léger traîneau à travers les cahots et les pentes de la route, Charles repassait en lui-même les diverses circonstances de son petit voyage depuis son départ de Québec jusqu’à ce moment.

À l’âge de notre héros, et au sortir du collège, on est assez disposé à tenir compte des moindres événemens, et aux premières aspérités de la vie, à s’écrier comme le rat du bon Lafontaine :

Voici les Apennins, et voilà le Caucase !

Ce n’était que par degrés et grâce, pour bien dire, aux exigences de leur position qu’une douce intimité s’était établie entre Charles et Marichette. Dans ce moment les mille et une petites choses qui l’avaient rapproché de la jeune fille, sem-