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CHARLES GUÉRIN.

d’atteindre dans le célibat l’âge respectable de trente-sept et de trente-huit.

Puis assis ensemble sur un large coffre bleu, (classique témoin de tous les amours de la campagne,) le garçon au bonhomme Richard, (le même que Manchette avait refusé,) et la petite Rose Tremblay, sa première blonde, qu’il avait abandonnée pour Marichette, et auprès de laquelle il avait été bien venu de nouveau, après avoir été éconduit par sa rivale…

Puis la mère Tremblay qui trouvait, comme de raison, beaucoup à redire sur Le compte de toutes les jeunes filles de la paroisse, la sienne exceptée.

Puis enfin, et ce n’était assurément de tous ces personnages, ni le moins joyeux, ni le plus charitable, le bedeau de la paroisse qui n’avait pas encore pu trouver à se remarier.

En attendant une compagnie beaucoup plus nombreuse que le père Morelle avait invitée à fêter avec lui la Mi-carême, ces braves gens s’amusaient à médire de tout le monde en général, et de Marichette et du jeune étranger en particulier, signes certains de la sensation profonde qu’avait causée dans l’endroit l’arrivée de ce dernier.

La salle où se réunissaient les conviés du père Morelle était éclairée d’abord par la lumière qui s’échappait de la porte, des fentes et du tuyau d’un grand poële en fer à deux étages, chauffé presqu’au rouge ; et ensuite par la lumière beaucoup moins vive que donnait une vieille lampe de terre cuite en forme de navette, clouée au bord d’une des poutres, et dont la mèche fumante n’était séparée du plafond que de la distance que mesurait la saillie de la poutre.

Sur le poële, et dans le fourneau du poële, on pouvait admirer d’énormes chaudrons remplis de melasse et de sirop d’érable, qui bouillonnaient avec un grésillement tout-à-fait appétissant. La maîtresse du logis elle-même, agitait de temps à autre avec une large cuillère de bois, la précieuse liqueur de