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CHARLES GUÉRIN.

La vieille et loquace voisine continua ainsi à chanter les louanges de Mam’zelle Marichette, jusqu’à l’épuisement de ses facultés oratoires, et bien longtemps après qu’elle eut lassé l’attention de son auditeur.

Tout en savourant le potage, qui soutint à merveille la réputation qu’on venait de lui faire, Charles apprenait ainsi bien des choses qu’il aimait à savoir, sans compter toutes celles dont il ne s’inquiétait guères. Le programme tracé par la voisine s’accomplit du reste à la lettre. Marichette ne rentra qu’une heure après, dîna bien à la hâte et fut passer l’après-midi toute entière à l’église. Cela était aussi peu compromettant que notre héros pouvait le désirer ; en même temps c’était peut-être un peu plus ennuyeux qu’il ne l’aurait voulu. Il se décida à sortir, mais la couche de neige trop molle, qui venait de tomber, ne lui permit pas de faire une bien longue excursion. L’après midi passa lentement, Jacques Lebrun revint du bois très tard et il fut obligé de promettre à son hôte de l’emmener avec lui, le lendemain, dût-il l’enlever endormi, et le conduire dans son traîneau.

On est toujours porté à s’en prendre aux autres des mécomptes qui nous arrivent ; Charles était presque fâché contre la jeune fille pour l’ennui qu’elle lui avait laissé éprouver. Il oublia qu’elle ne fesait que tenir la conduite qu’il s’était prescrite à lui-même. Il pensait qu’il devait être après tout bien peu aimable, puisqu’il avait fait si peu d’impression sur cette petite habitante ; il s’étonnait de voir qu’elle ne fit point plus d’attention à lui qu’aux jeunes gens sans instruction, qui lui avaient fait la cour ; son amour-propre en souffrait, et il était assez injuste pour ne pas songer qu’il l’avait dédaignée le premier, et que Marichette n’était pas autre à son égard qu’il ne l’avait souhaité en la voyant.