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Alloient de ma raison offusquer la lumière :
C’est lors que j’ai senti mon âme tout entière,
Se ramenant en soi, faire un dernier effort
Pour braver les erreurs que l’on joint à la mort.
Ma raison m’a montré (tant qu’elle a pu paroître)
Que rien n’est en effet de ce qui ne peut être ;
Que ces fantômes vains sont enfants de la peur
Qu’une foible nourrice imprime en notre cœur,
Lorsque de loups-garoux, qu’elle-même elle pense,
De démons et d’enfer elle endort notre enfance.

Dans ce pénible état, mon esprit abattu
Tâchoit de rappeler sa force et sa vertu ;
Quand du bord de mon lit une voix menaçante,
Des volontés du ciel interprète effrayante,
Tremble, m’a-t-elle dit, redoute, malheureux,
Redoute un Dieu vengeur, un juge rigoureux :
Tes crimes ont déjà lassé sa patience ;
Mais ce Dieu vient enfin, et tes égarements,
Mis dans son austère balance,
Vont bientôt éprouver, sans grâce et sans clémence,
La rigueur de ses jugements.

Mon cœur à ce portrait ne connoît pas encore
Le Dieu que je chéris, ni celui que j’adore,
Ai-je dit : eh ! mon Dieu n’est point un Dieu cruel ;
On ne voit point de sang ruisseler son autel ;
C’est un Dieu bienfaisant, c’est un Dieu pitoyable,
Qui jamais à mes cris ne fut inexorable.
Pardonne alors, Seigneur, si, plein de tes bontés,
Je n’ai pu concevoir que mes fragilités,