aux tyrans ; & s’il n’attenta pas sur ses jours, c’est qu’il croyoit pouvoir en disposer à son gré ; mais il reçut dans la suite les châtimens de ses crimes, pour avoir péché contre la prévoyance.
Quelque rusé que fût ce prince, il se leurra ; il auroit dû mettre à mort le pere & la fille : mais ce ménagement affecté ne le rendoit pas moins coupable, & ne servit qu’à sa propre ruine. C’est une cruelle pitié de ravir la couronne à un roi, & de lui accorder la vie. Il est bien dur d’obeir, lorsqu’on doit commander. Il ne se rappella point, en gardant quelqu’ombre de justice & de modération, qu’il étoit usurpateur.
Rhea Sylvia viola les vœux que la contrainte lui avoit fait prononcer ; elle mit au monde deux fils, dont elle attribua la naissance au dieu Mars, pour se soustraire à la peine du parjure, & pour être estimée & honorée par le respect qu’on avoit pour l’auteur de son forfait. Ce fut sans doute un artifice de Rhea Sylvia ; elle avoit intérêt de dire que Mars l’avoit rendue sacrilege : la valeur de Romulus nourrit cette opinion dans l’esprit des peuples, & les Romains surent bien la faire valoir pour l’augmentation de leur propre gloire ;