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mands, plus rapprochés du système de Platon, ont en effet pensé que le type du monde était dans l’esprit humain, et que l’homme ne pourrait concevoir l’Univers, s’il n’en avait pas l’image innée en lui-même ; mais il n’est pas question de cette doctrine dans Kant : il réduit les sciences intellectuelles à trois, la logique, la métaphysique et les mathématiques. La logique n’enseigne rien par elle-même ; mais comme elle repose sur les lois de notre entendement, elle est incontestable dans ses principes ; abstraitement considérée cette science ne peut conduire à la vérité que dans son application aux idées et aux choses ; ses principes s’ont innés, son application est expérimentale. Quant à la métaphysique, Kant nie son existence, puisqu’il prétend que le raisonnement ne peut avoir lieu que dans la sphère de l’expérience : Les mathématiques seules lui paraissent dépendre immédiatement de la notion de l’espace et du temps, c’est-à-dire, des lois de notre entendement, antérieures à l’expérience. Il cherche à prouver que les mathématiques ne sont point une simple analyse, mais une science synthétique, positive, créatrice et certaine par elle-même, sans qu’on ait besoin de recourir à l’expérience pour s’assurer de sa vérité. On peut étudier dans le livre de Kant les argumens sur lesquels il appuie cette manière de voir ; mais au moins est-il vrai qu’il n’y a point d’homme plus opposé à ce qu’on appelle la philosophie des rêveurs, et qu’il aurait plutôt du penchant pour une façon de pensée sèche et didactique, quoique sa doctrine ait pour objet de relever l’espèce humaine dégradée par la philosophie matérialiste. Loin de rejeter l’expérience, Kant considère l’œuvre de la vie comme n’étant autre chose que l’action de nos facultés innées sur les connaissances qui nous viennent du dehors. Il croit que l’expérience ne serait qu’un chaos sans les lois de l’entendement, mais que les lois de l’entendement n’ont pour objet que les élémens donnés par l’expérience. Il s’ensuit qu’au-delà de ces limites, la Métaphysique elle-même ne peut rien nous apprendre, et que c’est au sentiment que l’on doit attribuer la prescience et la conviction de tout ce qui sort du monde visible, Lorsqu’on veut se servir du raisonnement seul pour établir les vérités religieuses, c’est un instrument pliable en tous sens, qui peut également les défendre et les attaquer, parce qu’on ne saurait à cet égard trouver aucun point d’appui dans l’expérience. Kant place sur deux lignes parallèles les argumens pour et contre la liberté de l’homme, l’immortalité de l’ame, la durée passagère ou éternelle du monde, et c’est au sentiment qu’il en appelle pour faire pencher la balance car les preuves métaphysiques lui paraissent en égale force de part et d’autre ; peut-être a-t-il eu tort de pousser jusque-là le scepticisme du raisonnement ; mais c’est pour anéantir plus sûrement ce scepticisme, en écartant de certaines questions les discussions abstraites qui l’ont fait naître. Il serait injuste de soupçonner la piété sincère de Kant, parce qu’il a soutenu qu’il y avait parité entre les raisonnemens pour et contre dans les grandes questions de la métaphysique transcendante. Il me semble, au contraire, qu’il y a de la