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Laharpe a dit qu’il était recommandable par l’exercice de toutes les vertus. Un trait suffira pour peindre son extrême douceur, il passait pour ne s’être jamais mis en colère. Quelques personnes, pour s’en assurer, s’adressèrent à sa gouvernante ; il y avait 30 ans qu’elle le servait ; elle affirme que pendant tout ce temps elle ne l’a jamais vu s’emporter ; on lui promit une récompense si elle pouvait parvenir à le fâcher, elle accepta, et sachant qu’il aimait à être bien couché ; elle négligea de faire son lit : Abauzit s’en étant aperçu, lui en fit, le lendemain, l’observation ; elle répondit qu’elle l’avait oublié, il n’insista pas. Le soir il n’était pas fait encore ; même observation, même réponse de la part de la servante ; enfin, à la 3e fois, il lui dit : Vous n’avez pas encore fait mon lit, apparemment que vous avez pris votre parti là-dessus et que cela vous paraît trop pénible ; mais après tout, il n’y a pas grand mal, car je commence à m’y faire. La servante attendrie par tant de bonté lui demanda pardon, et lui avoua l’épreuve à laquelle on avait voulu mettre son caractère. On a de ce savant quelques écrits, qui l’ont fait soupçonner d’être peu attaché à l’orthodoxie de sa communion, mais dont aucun ne permet de douter de son attachement au christianisme. Ils consistent dans des explications de divers passages de l’Écriture Sainte, dans des réflexions sur l’Eucharistie, sur l’idolâtrie, sur la controverse, etc. ; dans de petits traités archéologiques, physiques, chronologiques. Ce qu’il a écrit sur l’Apocalypse n’est pas un commentaire, mais un essai. Guillaume Burnet, gouverneur de New-Yorck (qu’il

est essentiel de ne pas confondre avec Gilbert Burnet), avait appliqué les prédictions de Saint Jean à l’Église romaine et aux derniers temps : Abauzit les applique à la ruine de Jérusalem. Ce savant estimable a laissé des dissertations sur diverses antiquités. Il fournit à J. J. Rousseau des remarques excellentes sur la Musique des Anciens, et le philosophe genevois avait tant d’estime pour sa personne, qu’il en a fait un éloge touchant dans la Nouvelle Héloïse. Recueillies d’abord à Genève, en 1770, 1 vol. in-8°, les œuvres d’Abauzit l’ont été en 1773 en 2 vol. à Amsterdam ; et ces deux recueils sont assez différens l’un de l’autre. Abauzit avait rendu de grands services pour la traduction française du Nouveau Testament, publiée à Genève en 1726. Il a aussi éclairci plusieurs traits de l’histoire ancienne de Genève, dont il s’était soigneusement occupé, dans la nouvelle édition de l’Histoire de Genève, par Spon, qui parut sous ses auspices en 1730, en 2 vol. in-4° et en 4 vol. in-12. Elle est remarquable par des notes, des rectifications et des augmentations précieuses, entre autres par une dissertation latine sous le titre de Geneva Sextanorum Colonia. On a de lui une Dissertation sur un bouclier votif, qui avait été trouvé dans l’Arve, près de Genève, en 1721, sur lequel on a gravé une allocution et une largesse de l’empereur Valentinien II. Monfaucon fit à cette dissertation l’honneur de la placer dans son Supplément de l’Antiquité expliquée.

ABAZA, pacha de Bosnie, irrité contre Mustapha I, empereur des Turcs, se révolta sous pré-