Cent seigneurs il avait là avec lui
tous armés, sauf la tête, de toutes leurs pièces,
bien richement en toutes sortes de choses.
Car croyez bien que ducs, comtes, rois
étaient assemblés en cette noble compagnie
pour l’amour et pour la gloire de chevalerie.
Autour de ce roi couraient de tous côtés
grand nombre de lions et de léopards apprivoisés.
Et en cette manière ces seigneurs tous et chacun
sont arrivés à la cité le dimanche
vers prime, et en la ville ils s’arrêtent.
:Ce Thésée, ce duc, ce digne chevalier,
quand il les eut amenés dans sa cité
et logés chacun selon son degré,
il les festoie et fait si grand effort
pour les accommoder et leur faire tout honneur
qu’on n’imaginait pas que l’esprit d’aucun homme
de quelconque condition eût su faire mieux.
Les chants des ménestrels, le service du festin,
les grands présents pour les plus grands et les moindres,
le riche état du palais de Thésée,
ni qui s’assit premier ou dernier à la table haute,
quelles dames sont les plus belles ou meilleures danseuses,
ou quelles savent le mieux danser et chanter,
ni qui parle le plus tendrement d’amour ;
les faucons posés au haut des perchoirs,
les chiens couchés en bas sur le sol ;
tout cela je ne le raconte pas maintenant.
Mais je vais dire la suite qui me paraît le plus beau.
Maintenant je viens au fait, et écoutez si c’est votre plaisir.
La nuit du dimanche, avant le point du jour,
lorsque Palamon ouït chanter l’alouette,
bien qu’il s’en fallut de deux heures qu’il fît jour,
pourtant chantait l’alouette et Palamon aussi.
Le cœur dévot et l’âme confiante,
il se leva pour aller faire son pèlerinage
à la déesse de félicité, la bénigne Cithérée,
je veux dire Vénus, honorable et digne.
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/95
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.