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INTRODUCTION


L’œuvre dont la traduction est donnée dans ce volume a déjà été à plus d’une reprise célébrée chez nous par la critique. En des pages nombreuses et brillantes, tour à tour Taine et M. Jusserand, pour ne parler que d’eux, ont proclamé que les Contes de Canterbury étaient non seulement le premier chef-d’œuvre en langue anglaise, mais encore l’un des poèmes capitaux de l’Europe avant la Renaissance, qu’ils pourraient bien même en être de tous le plus vivant, le plus varié et le plus réjouissant. Nul des lecteurs de leurs belles études qui n’ait senti l’attrait du vieux livre dans leurs citations et à travers leurs analyses. Or c’est un indice curieux (et inquiétant aussi) de notre tournure d’esprit que le manque persistant d’une version accessible de ces Contes si bien loués. Comme il lui arrive trop souvent, le public s’est contenté de l’appréciation de l’ouvrage sans réclamer l’ouvrage même. Il a préféré le jeu d’idées qu’offre une étude littéraire à la lecture directe du livre. Le poème qu’on lui disait si français d’origine et si admirablement adapté aux goûts français, est resté lui-même inconnu, sauf du tout petit nombre de ceux qui le pouvaient lire dans l’anglais du XIVe siècle. En dehors des citations forcément courtes qu’offraient les littératures générales, on n’a mis que des bribes à la portée du public, soit dans le livre d’ailleurs utile de H. Gomont : G. Chaucer, Analyse et Fragments (Nancy, 1847), soit dans la brochure de la Nouvelle Bibliothèque populaire qui s’intitule à tort Les Contes de Canterbury. De traduction totale, une seule, si coûteuse et si excentrique qu’elle a passé inaperçue et qu’elle est presque introuvable ; c’est celle que fit paraître à Londres en 1856-1857 le Chevalier de Châtelain, — traduction en vers vraiment faciles et pédestres à l’excès, trop égayés d’un