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bâtir les lices royalement ;
un aussi noble théâtre que celui-là
n’exista sans doute jamais en ce monde.
L’enceinte avait un mille de tour,
avec murs de pierre et fossé tout autour.
Elle était de forme ronde comme un cercle,
1890et remplie de degrés, sur soixante pas de haut,
tels qu’un homme assis sur un degré
n’empêchait pas son compagnon de voir.

Vers l’est s’élevait un portail de marbre blanc,
vers l’ouest un autre tout pareil en face.
Et, pour conclure en bref, un lieu pareil
ne fut jamais sur terre en si petit espace ;
car dans le pays il n’y eut habile homme,
connaissant géométrie ou art métrique,
ni portrayeur, ni tailleur d’images,
1900à qui Thésée ne donnât vivres et gages
pour bâtir et aménager ce théâtre.
Et pour faire son rite et sacrifice,
il a vers l’est, sur le susdit portail,
en l’honneur de Vénus, déesse d’amour,
fait bâtir un autel et un oratoire ;
et vers l’ouest, à l’intention et mémoire
de Mars, il en a fait un autre tout pareil,
lequel coûta une bonne charretée d’or.
Et vers le nord, en une tourelle de la muraille,
1910en albâtre blanc et rouge corail
il est un oratoire riche à voir
qu’en l’honneur de Diane de chasteté
Thésée a fait ouvrer de noble manière.

Mais j’avais oublié de décrire
la noble sculpture, et les portraits,
la forme, l’apparence, et les figures
qui étaient en ces trois oratoires.

D’abord au temple de Vénus tu peux voir
ouvrés sur le mur, bien pitoyables au regard,
1920les sommeils rompus et les froids soupirs ;