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LES CONTES DE CANTERBURY.

et la grande bataille qui, à cette occasion,
880 eut lieu entre les Athéniens et les Amazones ;
et comment fut assiégée Hippolyte,
la belle et vaillante reine de Scythie ;
et la fête qui célébra leur mariage ;
et la tempête qu’ils essuyèrent en allant chez eux.
Mais tout cela je dois maintenant me l’interdire.
J’ai, Dieu le sait, un vaste champ à labourer,
et faibles sont les bœufs de ma charrue ;
le reste du récit est assez long ;
et je voudrais ne retarder personne de cette compagnie :
890 que chacun à son tour fasse son récit,
et nous verrons alors qui gagnera le souper.
Donc, où j’en étais resté, je vais reprendre.

    Le duc, dont je fais mention,
était presque arrivé à sa ville,
dans toute sa prospérité et son plus haut orgueil,
quand il aperçut, en jetant les yeux de côté,
agenouillées sur la grand’route,
un cortège de dames, deux à deux,
les unes derrière les autres, couvertes de vêtements noirs.
900 Et elles poussaient de tels cris, et de tels gémissements,
qu’il n’est au monde créature vivante
qui ait ouï pareille lamentation ;
et elles ne voulurent aucunement cesser leur plainte,
qu’elles n’eussent saisi les rênes de son harnachement.
« Qui êtes-vous donc, qui, à mon retour, en mon pays
troublez ainsi ma fête de vos cris ? »
dit Thésée, « avez-vous si grande jalousie
de ma gloire, que vous gémissiez et pleuriez ainsi ?
ou quelqu’un vous-a-t-il mises à mal, vous a-t-il outragées ?
910 Dites-moi si l’offense peut être réparée ;
et pourquoi vous êtes ainsi vêtues de noir ».

    De toutes ces dames la plus âgée parla,
défaillante, et de visage si mortellement pâle
que c’était pitié de la voir et de l’entendre,
et elle dit : « Seigneur, à qui la Fortune a donné
la victoire, et la vie d’un conquérant,