Conte du Curé.
Prologue.
Quand le manciple eut fini son conte,
le soleil avait décliné de la ligne du sud
si bas qu’il n’était plus, à mes yeux,
qu’à la hauteur de vingt et neuf degrés.
Il était quatre heures alors, suivant mon calcul :
car onze pieds, ou guère plus ni moins,
mesuraient mon ombre à cette heure, en ce lieu,
de ces pieds qui eussent divisé ma taille
en six pieds égaux en proportion[1].
D’ailleurs l’exaltation de la Lune,
je veux dire la Balance[2], commençait son ascension,
comme nous arrivions à l’entrée d’un hameau ;
c’est pourquoi notre hôte, qui avait accoutumé de guider,
comme dans ce cas, notre joyeuse compagnie,
parla en ces termes : « Messeigneurs, tous et chacun,
maintenant il ne nous manque plus qu’un seul conte.
On a exécuté ma décision et mon arrêt ;
je pense que nous en avons ouï de toute sorte.
On a presque tout exécuté selon mon ordonnance ;
je prie Dieu qu’il donne bonne chance
à celui qui nous dira ce conte joyeusement.
Messire prêtre (dit-il), es-tu vicaire ?
ou es-tu curé ? dis vrai, par ta foi !
Qui que tu sois, n’interromps pas notre jeu,
car chacun ici, sauf toi, a dit son conte.
- ↑ Ce passage serait peu intelligible si l’on ne se reportait au traité de Chaucer sur l’Astrolabe, II, 41-43 ; quand le soleil est à 29° au-dessus de l’horizon, le rapport entre la taille de Chaucer et la longueur de son ombre est à peu près comme six à onze.
- ↑ Il faudrait ici, selon M. Skeat, le Taureau ; la Balance est l’exaltation de Saturne.