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lis Salomon, si sage et si digne d’honneur ;
lis David en ses psaumes, lis Sénèque.
Mon fils ; ne parle point, mais fais un signe de tête.
Prétends que tu es sourd, si tu entends
un bavard parler d’un sujet périlleux.
Le Flamand dit, et apprends cela, s’il te plaît,
350 que court bavardage procure longue paix[1].
Mon fils, si tu n’as dit aucune mauvaise parole,
tu n’auras pas besoin de craindre la trahison ;
mais celui qui a parlé mal à propos, j’ose bien le dire,
il ne peut aucunement rappeler son mot.
Chose qui est dite, est dite ; et elle s’envole,
bien qu’on s’en repente, ou qu’on en ait plaisir ou peine.
On est l’esclave de celui à qui on dit
une histoire, dont on a maintenant bien du regret.
Mon fils, prends garde et ne sois pas le premier auteur[2]
360 de nouvelles, qu’elles soient vraies ou fausses.
Partout où tu iras, chez les grands ou les humbles,
retiens bien ta langue et pense au corbeau. »

Ci finit le conte du Manciple sur le Corbeau[3].
  1. Cf. un autre proverbe flamand, A, 4 357.
  2. « Rumores fuge, ne incipias novus auctor haberi ». Dion Caton, Dist., I, 12.
  3. Bien que Chaucer donne le conte du Curé comme ayant suivi celui du Manciple, Mr. Skeat introduit un nouveau groupe. Il fait observer, en effet, que le Manciple a parlé le matin (voir H, v. 16) et que le Curé parle le soir. Le sermon du Curé devant clore la série, il est évident que Chaucer aurait intercalé d’autres contes entre celui du Manciple et ce sermon final, s’il avait complété son poème.