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d’aimer chasteté dévotement[1]. —
Lors lui montra Cécile, clair comme le jour,
que toutes les idoles ne sont que chose vaine ;
car elles sont muettes et, qui plus est, sont sourdes,
et le somma de quitter ses idoles.

« Quiconque ne croit pas ceci est une bête,
(lors fit Valérien) s’il faut ne pas mentir. »
290 Elle se prit à baiser son sein, lorsqu’elle ouït cela,
et fut fort joyeuse qu’il pût voir la vérité.
« En ce jour je te prends pour mien parent »,
dit cette bienheureuse gente vierge chère ;
après quoi elle dit ce qu’allez ouïr :

« Vois, ainsi que l’amour du Christ (dit-elle),
m’a faite épouse de ton frère, tout de même
sur l’heure je te prends ici pour parent,
puisque tu veux mépriser tes idoles.
Va-t’en avec ton frère maintenant et te baptise
300 et purifie ; pour que tu puisses contempler
la face des anges dont ton frère a parlé. »

Tiburce dit en réponse : « Frère cher,
d’abord dis-moi où aller et devers qui ? »
« Devers qui ? (dit-il). Viens-t’en avec joyeux visage,
je veux te mener au pape Urbain. »
« À Urbain ? Valérien, mon frère,
(lors fit Tiburce), c’est là que tu veux me mener ?
Me semble que ce serait grand’merveille.

Ne veux-tu pas dire Urbain (lors fit-il),
310 qui tant de fois fut condamné à mort,
et demeure toujours en cachettes ci et là,
et n’ose mie montrer sa tête ?
On l’arderait en un feu tant rouge
si on le trouvait ou pouvait l’entrevoir ;
et nous aussi, pour lui tenir compagnie.

Et tandis que nous cherchons cette divinité
qui est celée dans le secret du ciel,

  1. La longue parenthèse si gauche du vers 270 au vers 283 est traduite du latin.