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qu’Oisiveté n’est que mollesse pourrie,
de qui oncques il ne sort bon fruit ;
et voit que la paresse la[1] tient en laisse
20 pour qu’elle ne fasse que dormir et que manger et boire
et dévorer le labeur d’autrui.

Et pour nous garder de telle oisiveté,
qui est cause de si grande confusion,
je me donne ici pour tâche fidèle,
suivant la légende[2] de traduire
ta glorieuse vie et passion,
toi à la guirlande tissue de roses et de lis ;
c’est toi que je veux dire, vierge et martyre sainte Cécile.


Invocation à Marie.


Et toi qui es fleur de toutes les vierges,
30 dont plut à Bernard[3] si bien écrire,
c’est toi qu’à mon début d’abord j’invoque ;
ô notre réconfort, pauvres pécheurs, donne moi d’écrire
la mort de ta servante, qui gagna par son mérite
la vie éternelle et victoire sur le démon,
comme on peut ci-après lire en son histoire.

Toi vierge et mère, fille de ton fils[4],
toi puits de merci, cure de l’âme pécheresse,
en qui Dieu, par bonté, voulut habiter,
toi humble, et haute plus qu’aucune créature,
40 tu as ennobli à tel point notre nature,
que le créateur n’a pas eu mépris de notre engeance,
pour vêtir et envelopper son fils de sang et de chair.

Dedans le cloître béni de tes flancs
reçut forme humaine l’éternel amour et paix
qui du triple espace[5] est roi et guide,
que la terre et la mer et le ciel n’ont cesse

  1. La, i. e l’Oisiveté. Voir note 2, page 455.
  2. La Légende Dorée. Voir note 1, page 455.
  3. Saint Bernard composa le Missus est en l’honneur de la Vierge Marie.
  4. Ce passage, vers 36-51, est une traduction libre de Dante, Paradis, xxxiii, 22-27.
  5. Le triple espace, c’est-à-dire le Ciel, la Terre et la Mer.