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résolvez-moi cette question, je vous prie. »
Justinus, qui détestait sa folie,
répondit aussitôt, plein de moquerie,
et comme il voulait abréger sa longue histoire,
il ne voulut alléguer aucune autorité
mais dit : « Messire, s’il n’est d’obstacle
1660que celui-là, Dieu, par grand miracle,
dans sa miséricorde, peut pour vous faire en sorte
que, même avant de tenir votre droit de la sainte Église,
vous ayez regret du mariage
dans lequel, dites-vous, il n’est ni chagrin ni querelle.
Et aussi bien, à Dieu ne plaise qu’il n’envoie
à un homme marié la grâce de se repentir
bien plus souvent qu’à un célibataire !
Et par conséquent, messire, voici le meilleur avis que je sache :
ne vous désespérez pas, mais ayez en mémoire
1670que par aventure elle peut être votre purgatoire.
Peut-être sera-t-elle l’instrument de Dieu, le fouet de Dieu
qui fera sauter votre âme jusqu’au ciel,
plus vite que la flèche ne quitte l’arc !
J’espère que, grâce à Dieu, plus tard vous saurez
qu’il n’est assez grande félicité
en mariage, et qu’il n’en sera jamais assez
pour faire obstacle à votre salut,
pourvu que vous usiez, comme c’est sagesse et raison,
des désirs de votre femme avec modération,
1680et que vous ne lui complaisiez pas trop amoureusement,
et que vous vous gardiez aussi d’autre péché.
J’ai dit mon dire, car mon esprit est pauvre.
N’ayez de crainte là-dessus, mon bon cher frère. »
— Mais laissons là ce sujet.
La femme de Bath, si vous avez bien compris,
à propos de mariage, sujet dont nous traitons,
nous a exposé de bien bonnes choses en peu de mots[1]. —
« Maintenant, portez-vous bien, Dieu vous ait en sa grâce. »

  1. C’est le marchand qui parle dans cette parenthèse, selon M. Skeat. Mais on peut aussi bien admettre dans ce conte plaisant que Janvier et ses amis sont supposés avoir entendu la Bourgeoise. Il faudrait alors faire rentrer les vers 1684-7 dans le discours de Justinus.