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Notre hôte répondit : « Paix, assez là-dessus, »
et après ceci il dit au Frère,
« Allons ! dites votre conte, mon bon cher maître. »


Ici finit le Prologue du Frère.



Ici commence le conte du Frère[1]


Jadis demeurait en mon pays,
1300 un archidiacre, un noble dignitaire.
qui vaillamment faisait exécution
en châtiment de fornication,
de sorcellerie et aussi de maquerelage,
de diffamation et d’adultère,
de vols faits à l’église[2], et en matière de testaments,
de contrats et de sacrements négligés,
et aussi pour maint autre genre de crime
qu’il n’est point nécessaire de redire à cette heure,
et pour usure et pour simonie aussi.
Mais certes il punissait surtout les paillards ;
1310 il leur fallait crier bien fort, s’ils étaient pris.
Et payeurs de petites dîmes étaient rudement tancés ;
si quelque curé se plaignait d’eux,
ils ne pouvaient, eux, s’en tirer par simple peine pécuniaire.
Pour petites dîmes et pour petites offrandes
il faisait crier piteusement les gens.
Car avant que l’évêque les prît avec sa crosse,
ils étaient inscrits sut les livres de l’archidiacre.

  1. 1. On trouve un conte analogue dans un ouvrage latin de 1480 publié en Allemagne et dont l’auteur est Jean Héroit, frère dominicain de Bâle, connu sous le nom de Discipulus. — Voir « Originals and Analogues, Chaucer Society », 1872, p. 105. La première partie du livre de Héroit se compose de sermons ; la seconde d’historiettes destinées à servir d’exemples. Cf. le conte de Advocato et Diabolo inséré dans Promptuarium Exemplorum du commencement du xvie siècle et imprimé par M. T. Wright pour la Percy Society, vol. VIII, p. 70.
  2. L’anglais porte « chirche-reves » qui désigne habituellement les marguilliers. C’est dans ce sens que l’entend ici M. Skeat. Mais ce nom d’homme est déconcertant, parmi cette énumération de péchés et de délits. Nous entendons reves au sens de vols, qu’il avait en moyen anglais. (Voir Concise Dictionary of Middle English by Mayhew et Skeat. — Cf. dans Murray : « The reavers and robbers of all churches and images », 1583.) Peut-être aussi reves est-il une simple erreur de copiste pour renes, et alors nous aurions une survivance du mot anglo-saxon cyric-rena — vol d’église, sacrilège (V. Bosworth-Toller).