je finissais en tout par avoir le dessus,
fût-ce par ruse, ou force, ou par quelque autre biais,
comme continuel murmure ou gronderie.
C’était surtout au lit que mari pâtissait.
C’est là que je grondais et donnais peu de joie !
Je ne prétendais point rester couchée au lit,
si je sentais son bras passer dessus mon flanc,
tant qu’il eût consenti à me payer rançon.
Alors il avait droit de faire la folie.
Et c’est pourquoi vous tous à qui je dis ce conte,
qui pourra gagner gagne, puisque tout est à vendre.
On ne peut, les mains vides, affaiter épervier[1] :
pour gagner, j’endurais qu’il fît tout son plaisir
et savais me donner même un appétit feint ;
et pourtant pour le lard jamais je n’eus grand goût,
ce qui fit que toujours je grondai mes maris.
Car le pape eût-il même été assis près d’eux,
je ne les aurais pas, à leur table, épargnés.
Car, soit dit sans mentir, je rendais mot pour mot.
Que Dieu omnipotent me refuse son aide
si, dussé-je aujourd’hui faire mon testament,
je leur redois encore mot que je n’aie rendu.
Je menais tellement, par mon esprit, les choses
qu’il valait mieux pour eux de quitter la partie
ou sinon nous n’aurions jamais eu de repos.
Car messire eût-il pris l’air d’un lion furieux
qu’il n’eût pu davantage avoir le dernier mot.
Et puis je lui disais : « Mon bon ami, regarde
quel aspect débonnaire a Guilquin notre agneau.
Viens ça, mon cher époux, que je baise ta joue !
Vous devez être tout patient, débonnaire,
et avoir conscience et tendre et délicate,
vous qui tant nous prêchez de Job la patience.
Montrez-vous endurant, vous qui prêchez si bien.
Sinon soyez certain que nous vous apprendrons
qu’il fait toujours fort bon tenir sa femme en paix.
Il faut, c’est trop certain, que l’un de nous deux plie,
et, puisqu’ainsi va-t-il qu’homme est plus raisonnable
- ↑ Rom. de la Rose, 7820, elz.