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Le Conte du Pardonneur.


Prologue du Conte du Pardonneur.


Ci suit le prologue du Conte du Pardonneur.


Radix malorum est cupiditas. (Ad Thimotheum, sexto.)


« Messeigneurs, (dit-il,) quand je prêche dans les églises
330je prends grand’peine d’avoir le verbe haut,
et de faire sonner ma voix aussi rondement qu’une cloche :
car je sais tout par cœur ce que je dis.
Mon texte est toujours le même et l’a toujours été :
« Radix malorum est cupiditas ».
D’abord j’annonce d’où je viens,
et puis je montre mes bulles de la première à la dernière.
Le sceau de notre seigneur lige sur mes lettres patentes,
je le montre d’abord, pour protéger ma personne,
pour que nul ne soit assez hardi, prêtre ou clerc,
340pour m’arracher au saint ministère du Christ ;
puis après ça lors je dis mes histoires ;
bulles de papes et de cardinaux,
de patriarches et d’évêques, voila ce que je montre ;
et je dis quelques mots en latin
pour en safraner mon prône,
et exciter les gens à la dévotion.
Lors je produis mes longues pierres de cristal,
toutes bourrées de chiffons et d’os ;
ce sont reliques à ce que chacun croit.
350Puis j’ai en une boite de cuivre une omoplate
ayant appartenu au mouton d’un saint Juif[1].
« Bonnes gens, dis-je, à mes paroles, prenez garde :
que si cet os est trempé dans un puits,
si vache, ou veau, ou mouton, ou bœuf enfle,
qu’un serpent a mordu ou qu’une vipère a piqué,

  1. Il existait une divination, au moyen d’une omoplate de mouton, appelée spatulamancia.