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Son père, le cœur et la volonté tout affligés,
lui trancha la tête, la prit par les cheveux
et au juge vint l’apporter,
cependant qu’il siégeait encore en son prétoire.
Et lorsque le juge la vit, a ce que dit l’histoire,
il ordonna qu’on emmenât Virginius et le pendît bien vite ;
260mais voilà que mille gens se précipitèrent
pour sauver le chevalier, par compassion et par pitié ;
car on connaissait la déloyale iniquité ;
le peuple aussitôt avait soupçonné,
d’après la requête du ribaud,
qu’il était d’accord avec Apius ;
on savait bien que ce dernier était un débauché.
C’est pourquoi vers le dit Apius on se porte,
et tout aussitôt on le jette en une prison,
en laquelle il se tua ; et Claudius,
270qui était serviteur du dit Apius,
fut condamné à être pendu à un arbre ;
et sans Virginius qui, en sa merci,
intercéda si bien pour lui qu’on l’exila,
certes, il eût été mis à mort.
Les autres furent pendus, du premier au dernier,
qui avaient été complices de cet acte maudit[1].
Ci peut-on voir comment péché a récompense !
Soyez sur vos gardes, car, qui Dieu frappera, nul ne le sait
à nul degré, ni de quelle façon
280le serpent de la conscience peut frémir
de votre vie perverse, fût-elle si secrète
que nul n’en sache rien, sauf Dieu et vous-même.
Que vous soyez ignorant ou instruit,
point ne savez quand vous devrez trembler.
Et donc, je vous avise d’écouter un conseil :
abandonnez le péché, avant que le péché vous abandonne.

Ci finit le Conte du Médecin.
  1. Cf. Roman de la Rose, 5660-5682.