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140il fit chercher un ribaud[1] de la ville,
qu’il connaissait pour subtil et hardi.
Le juge à ce ribaud conta son histoire
en grand secret, et lui fit promettre
de ne la raconter à nulle créature :
car, à la raconter, il y allait de sa tête.
Lorsque leur plan maudit fut arrêté,
ce juge s’éjouit et lui fit grande chère
et lui donna présents de très grand prix.
Quand fut ourdi tout leur complot
de point en point, grâce auquel la luxure du juge
151devait triompher fort ingénieusement,
comme plus tard vous l’apprendrez clairement,
le ribaud rentre chez soi ; il s’appelait Claudius.
Le juge félon, qui s’appelait Apius
(tel était son nom, car ceci n’est point une fable,
mais bien un fait historique et notable ;
le sujet en est véridique, sans doute aucun),
ce juge félon, se met vile a l’œuvre
pour hâter son plaisir, tant que faire se peut.
160Et il advint bientôt après qu’un jour
ce juge félon, à ce que dit l’histoire,
comme il était accoutumé siégeait en son prétoire,
et rendait ses jugements sur diverses causes.
Le ribaud félon survint à fort grands pas
et dit : « Monseigneur, si tel est votre bon vouloir[2],
veuillez faire droit à ce piteux placet
en lequel je porte plainte contre Virginius.
Que s’il prétend qu’il n’en est point ainsi,
je ferai la preuve — et ce par bons témoins —
que c’est la vérité qu’exprime ma requête[3]. »
171Le juge répondit : « Sur ceci, lui absent,
je ne puis rendre sentence définitive.
Qu’on le fasse appeler et volontiers j’écouterai ;
tu trouveras justice, et non injustice, en ce lieu. »
Virginius vint savoir ce que voulait le juge,

  1. Chaucer emploie churl : rustre, être grossier, traduisant le sens latin de plébéien, client à travers li ribaus du Roman de la Rose.
  2. Cf. Roman de la Rose, 5623-5627.
  3. Cf. Roman de la Rose, 5636-5638.