Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hors de la ruche abeilles de sortir ;
si hideux était le bruit, ah ! benedicite !
Certes, Jack Straw et sa bande
oncques ne poussèrent cris si perçants de moitié
quand ils voulaient occire quelque Flamand[1],
que furent poussés ce jour après le renard.
Ils apportèrent trompes d’airain, de buis,
de corne, d’os, où soufflèrent et pouffèrent,
4590et dont firent sortir clameurs et hurleries ;
on aurait pensé que le ciel allait choir.
Or, bonnes gens, je vous prie, écoutez la fin.
    Voyez comme fortune soudain retourne
l’espoir et aussi l’orgueil de son ennemi !
Ce coq, qui gisait sur le dos du renard,
malgré toute sa peur, au renard s’adressa
et dit : « Messire, si j’étais que de vous,
je leur dirais (vrai comme Dieu m’assiste !) :
Arrière d’ici, vous tous, manants outrecuidants !
4600Male peste sur vous tombe !
Ores suis-je arrivé au bord de ce bois ;
en dépit de vous, le coq ici restera ;
je le mangerai, par ma foi, et ce, incontinent. » —
Le renard répondit : « Par ma foi, ainsi sera fait ». —
Et comme il disait ces mots, tout soudain
le coq s’échappa de sa bouche allègrement,
et au haut d’un arbre vola incontinent,
et quand le renard vit qu’il était parti :
« Hélas ! dit-il, ô Chanteclair, hélas !
4610Je vous ai, dit-il, causé dommage,
pour ce que vous ai fait peur
quand vous ai pris, et emporté de la cour ;
mais, messire, ne l’ai fait de méchant dessein ;
descendez, et vous dirai ce que je voulais faire ;
je vous dirai vérité, vrai comme Dieu m’assiste ! »
« Nenni, dit-il ; je nous maudis tous deux,
et d’abord me maudis-je moi-même, sang et os,
si tu me trompes plus d’une fois.
Tu ne me feras plus, par ta flatterie,

  1. En 1381, Jack Straw, Wat Tyler et les « Jacques » anglais assassinèrent plusieurs Flamands.