Je ne fais cas de tes rêveries plus que d’une paille,
car songes ne sont que vanités et sornettes.
On rêve tous les jours de hibous et de singes,
et puis encore de maint labyrinthe ;
on rêve de choses qui jamais n’ont été, ni jamais ne seront.
Mais puisque je vois que tu veux demeurer ici,
et perdre ainsi ton temps en fainéantise,
Dieu sait que j’en ai regret ; donc, bonjour !
Et ainsi prit-il congé et alla son chemin.
Mais avant que son navire eût fait la moitié de sa course,
ne sais comment, ni quelle malechance lui advint,
mais par hasard la coque de la nef s’ouvrit,
et nef et gens allèrent au fond de l’eau,
en vue d’autres nefs, en leur voisinage,
qui voguaient avec eux dans le même temps.
A donc, belle Pertelote si chère,
par tels anciens exemples peux-tu apprendre,
qu’onques ne devrait-on dédaigner
les songes ; car je te le dis, sans doute,
maint songe est malement à craindre.
Voyez, je lis dans la vie de St Kenelm,
qui fut fils de Kenulph, le noble roi
du pays de Mercie, que Kenelm eut un songe.
Un peu avant que fût meurtri, un jour,
il vit son meurtre dans une vision.
Sa nourrice lui expliqua, en tout point,
ce songe, et lui dit de se bien garder
par crainte de trahison ; mais il n’avait que sept ans,
et donc peu de compte pouvait-il faire
d’un songe, si saint était son cœur.
Par Dieu, mieux aimerais plutôt qu’avoir chemise,
que vous eussiez lu cette légende, comme j’ai fait.
Dame Pertelote, je vous le dis vraiment,
Macrobe, qui a écrit la vision,
en Afrique, du fameux Scipion[1],
affirme les songes, et dit que ce sont
des avertissements de choses qu’hommes après verront.
Et aussi bien, regardez, je vous prie,
- ↑ Macrobe a simplement annoté le Somnium Scipionis de Cicéron.