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Qu’ajouterais-je à sa gloire en vous parlant
de Darius, et de cent mille autres,
des rois, princes, comtes, et ducs courageux,
3840 qu’il vainquit, et mit à mal ?
Je le redis, si loin que l’homme peut aller à cheval ou à pied,
le monde était a lui, qu’est-il besoin d’en dire plus ?
Car dussé-je dorénavant écrire ou vous parler sans cesse
de sa valeur, cela ne pourrait suffire.

Il régna douze ans, à ce que dit le livre des Machabées[1] ;
il était fils de Philippe de Macédoine,
qui le premier fut roi dans le pays de Grèce.
Ô digne et noble Alexandre, hélas !
Pourquoi a-t-il fallu qu’advint telle aventure !
3850 Tu fus empoisonné par les tiens[2] ;
la fortune a changé ton six en as[3],
et néanmoins pour toi elle n’a pas versé une seule larme !

Qui me donnera des larmes pour pleurer
la mort de celui qui était toute noblesse et générosité,
qui tenait en son pouvoir tout l’Univers,
et pourtant trouvait que ce n’était encore assez
tant son courage était avide de grandes entreprises ?
Hélas ! qui m’aidera à accuser
la félonne fortune, et a flétrir le poison,
3860 que tous deux[4] je tiens responsables de ce malheur ?


De Julio Cesare[5].

Par sa sagese, sa bravoure, et de grands labeurs,
d’un humble lit[6] à la majesté royale,
il s’est élevé, Julius le conquérant,
qui soumit toutes les nations d’Occident par terre et par mer,
à la force des mains, ou bien par traité,

  1. I Machabées, I, 7.
  2. D’après Quinte-Curce Alexandre aurait été empoisonné par Antipater ; c’est la version adoptée généralement dans le cycle d’Alexandre.
  3. Allusion au jeu de dés où le 6 est le meilleur point et l’as le moins avantageux. Une autre allusion au même jeu est faite dans le Prologue de l’Homme de loi (B. 124).
  4. C’est-à-dire la fortune et le poison.
  5. Boccace ne parle de César qu’incidemment. Pour ce récit Chaucer lui-même nous reporte à Lucain, Suétone et Valère.
  6. Les quatre meilleurs manuscrits ont ici « humble bed », humble lit. César appartenait en réalité à l’illustre famille Julia.