Il était en Asie, en une grand’cité,
parmi peuple chrétien, certaine Juiverie[1]
qu’un seigneur soutenait de la dite contrée,
pour usure sordide et vilenie de lucre,
que Christ et son Église ont fort en haine ;
on pouvait par la rue marcher ou chevaucher,
car elle était ouverte et libre à chaque bout.
Se tenait là petite école de chrétiens,
à l’extrême fin de la rue ; et y venaient
foules d’enfants sortis de sang chrétien,
qui d’année en année apprenaient à l’école
telles doctrines qui d’usage s’y donnaient,
c’est à savoir : chanter et lire,
comme le font enfants en leur jeune âge.
Or parmi ces enfants était un fils de veuve
petit clergeon[2], ayant bien sept ans d’âge,
qui tous les jours venait d’habitude à l’école ;
et aussi, toutes fois qu’il voyait une image
de la mère de Christ, avait coutume
comme y était instruit, de s’y agenouiller,
puis dire Ave Marie, en allant son chemin.
Ainsi la veuve avait appris son jeune fils
à toujours honorer la Bienheureuse Dame,
mère chérie de Christ, et il n’oubliait point —
car bon enfant bien vite apprend —
et toutes fois qu’il me souvient de la matière,
me semble voir Saint Nicolas en ma présence,
qui jeune aussi, fit à Christ révérence.
Or ce petit enfant, devant son petit livre
assis en cette école, apprenant l’abc,
soudain ouït chanter Alma Redemptoris
qu’autres enfants lisaient en leur antiphonaire ;
et s’enhardit à s’en venir près et plus près,