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Il lui sembla que son cœur maudit se fendait en deux.
Elle ne voudrait pas que son fils eût fait ainsi.
Il lui sembla une abomination qu’il choisît
700une créature si étrangère pour sa compagne.

Il ne me plaît pas de faire de la balle et de la paille
un récit aussi long que du grain même.
Pourquoi décrirais-je la pompe royale
au mariage, ou quel cortège marche devant
et qui sonne de la trompe et qui du cor ?
C’est le fruit de tout récit qu’il faut dire.
Ils mangèrent et burent, ils dansèrent, chantèrent et jouèrent.

Ils allèrent se coucher, comme il était raisonnable et juste,
car, bien que les femmes soient des êtres très saints,
710elles doivent prendre en patience la nuit
telles nécessités qui plaisent
à ceux qui les ont épousées avec l’anneau,
et mettre un peu leur sainteté de côté
à ce moment ; il ne peut en être mieux.

D’elle il eut bientôt un enfant mâle,
Et à un évêque ainsi qu’à son connétable
il confia sa femme à garder, quand il s’en fut
en Écosse pour chercher ses ennemis.
Or la belle Constance, si humble et si douce,
720est depuis si longtemps grosse que toujours à présent
elle garde la chambre attendant la volonté du Christ.

Le temps est arrivé, elle met au monde un enfant mâle ;
aux fonts baptismaux on l’appelle Maurice.
Le connétable fit partir un messager
et écrivit à son roi, qui a nom Alla,
comment cet heureux événement était arrivé,
et autres événements utiles à relater.
Lui prit la lettre et se mit en chemin.

Ce messager, pour faire son profit,
730chevaucha rapidement vers la mère du roi
et la salua fort courtoisement en son langage.
« Madame, (dit-il,) vous pouvez être contente et réjouie,
et rendre grâces à Dieu cent mille fois.