Or Nicolas s’était levé pour pisser ;
il pensa que la farce en serait meilleure,
si l’autre lui baisait le derrière ayant de s’échapper,
et vite il leva la fenêtre
et met hors son derrière sans mot dire,
sortant la croupe jusqu’à la hanche.
Et là-dessus parla le clerc, Absalon :
« Parle, mon doux oiseau, je ne sais où tu es. »
Nicolas aussitôt lui lâcha un pet
aussi fort que si c’eût été un coup de tonnerre,
si bien que du coup l’autre fut presque aveuglé.
Il se tenait prêt avec son fer chaud,
et il en frappa Nicolas au beau milieu des fesses.
Il s’en va de la peau la largeur de la main,
tant le coutre rougi lui a brûlé le derrière ;
et il pensa mourir de la cuisson.
Comme un fou il se mit à crier de douleur :
« Au secours ! de l’eau l de l’eau ! au secours ! pour l’amour de Dieu ! »
Le charpentier s’éveilla en sursaut,
ouït quelqu’un qui criait : « De l’eau ! » comme un fou,
et pensa : « Hélas ! voilà le déluge de Noël[1] ! »
Il se dresse sans dire mot,
de sa hache il tranche la corde,
et voilà tout par terre ; il ne trouva à vendre
pain ni ale[2], avant qu’il n’eût touché le bois
du plancher, et là il resta évanoui.
Voilà notre Alison debout, et Nicolet
qui crient : « las ! » et : « haro ! » dans la rue.
Lors les voisins, petits et grands,
accourent, pour contempler cet homme
toujours évanoui, tout pâle et blême,
car en tombant il s’était cassé le bras ;
mais il lui fallut prendre en patience son mal,
car s’il parlait, aussitôt le faisaient taire
Nicolas le gracieux et Alison.
Ils dirent à chacun qu’il était fou,
que le « déluge de Noël » lui faisait si grand’peur
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/139
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.