Tout ceci se passait le samedi ;
Nicolas demeura tout coi en sa chambre,
et mangea et dormit et fit ce qu’il lui plut
jusqu’au dimanche à l’heure où le soleil se couche.
Ce sot de charpentier eut grand étonnement
au sujet de Nicolas, ou de ce qu’il pouvait bien avoir,
et dit : « J’ai peur, par saint Thomas,
que ça n’aille pas bien pour Nicolas,
Dieu garde qu’il ne soit mort subitement !
Le monde est aujourd’hui bien instable, pour sûr ;
j’ai vu aujourd’hui même porter un corps à l’église
qu’encore lundi dernier j’avais vu à son travail.
Monte donc », dit-il aussitôt à son valet,
« appelle à sa porte, ou frappe avec une pierre,
vois ce qu’il y a et me le dis rondement. »
Le valet monta bien résolument,
et debout devant la porte de la chambre,
il cria et frappa comme un enragé :
« Or ça, allons, que faites-vous, maître Nicolet ?
Comment pouvez-vous dormir tout le long du jour ? »
Mais c’est peine perdue, il n’entend mot ;
il aperçoit un trou, en bas, dans une planche,
par où soulait passer le chat,
et par ce trou il regarda jusqu’au fond
et finit par apercevoir le clerc.
Nicolas était assis, les yeux toujours fixés en l’air
comme s’il eût contemplé la lune nouvelle.
Le valet redescend et vite dit à son maître
en quel état il a trouvé notre homme.
Le charpentier se mit à se signer
et dit : « Assiste-nous, sainte Frideswyde[1]
Comme un homme se doute peu de ce qui va lui arriver !
Cet homme est tombé, avec son astromie,
en quelque folie ou en quelque désespoir ;
j’avais toujours pensé que cela finirait ainsi.
Les hommes ne devraient point apprendre les secrets de Dieu.
Oui, heureux l’ignorant
qui ne sait rien que son seul Credo !
- ↑ Il est naturel que le charpentier invoque cette sainte, attendu qu’il y avait à Oxford un prieuré de Sainte-Frideswide.