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et telles par les caresses, et telles par la courtoisie.
Quelquefois pour montrer son agilité et maîtrise
il joue Hérode sur un haut échafaud[1].
Mais de quoi lui sert tout cela dans l’affaire ?
Elle aime tant le gracieux Nicolas
qu’Absalon peut souffler dans la corne de daim[2] ;
il ne gagne que mépris pour ses peines :
c’est ainsi que d’Absalon elle fait sa dupe,
3390et tourne tout son sérieux en plaisanterie.
Bien vrai est le proverbe, sans mentir ;
on a raison de dire que : « Toujours amant rusé quand il est près
fait qu’amant lointain déplaît. »
Car Absalon pouvait bien être fou de colère,
pour ce qu’il était loin des yeux de la belle,
Nicolas, tout proche, se tenait devant son jour.

Or sache t’y prendre, gracieux Nicolas,
car pour Absalon, il peut gémir et chanter : hélas !
Et ainsi il advint qu’un samedi
3400le charpentier était allé à Oseney ;
le gracieux Nicolas et Alison
se mettent ensemble d’accord à cette fin
que Nicolas inventera une ruse
pour tromper ce sot et jaloux mari ;
et si la farce marchait bien,
son amie dormirait dans ses bras toute la nuit,
car c’était le désir et de l’un et de l’autre.
Et tout aussitôt, sans plus de paroles,
Nicolas ne voulut pas attendre plus longtemps,
3410mais sans bruit il emporta dans sa chambre
de quoi boire et manger pendant un jour ou deux,
recommandant à Alison de dire à son mari,
s’il s’enquérait de Nicolas,
qu’elle ne savait où il était,
que de tout ce jour-là elle ne l’avait de ses yeux vu,
qu’elle cuidait qu’il devait être malade,
que sa servante avait eu beau l’appeler et crier,
qu’il n’avait voulu pour rien au monde lui répondre.

  1. C’est-à-dire le rôle d’Hérode dans la représentation des Mystères.
  2. C’est-à-dire se consoler comme il pourra.