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— Disant ces mots, Tony se tourna pour échanger un regard d’intelligence avec la Fée, mais celle-ci avait disparu.

— Oui, je crois aussi avoir assez sommeillé, reprit à son tour la femme de Tony, car je ne me sens plus aucune envie de dormir.

Dans la joie de son cœur, Tony ne put s’empêcher de raconter à sa femme ce qui venait d’arriver, ajoutant : — Maintenant nous serons à deux de jeu ; et par suite tout à fait confortables !

Mais la femme fut atterrée à la pensée d’être réduite à la même condition que son mari. Étant née belle dame, elle avait toujours trouvé que le temps était plutôt un fardeau trop lourd qu’un fardeau trop léger à porter ; et ce n’était pas sans effroi qu’elle voyait le supplément de longues heures que son mari ajoutait à sa vie déjà ennuyée. Elle se répandit donc en amers reproches contre Tony, qui commença à s’apercevoir, mais trop tard hélas ! qu’il avait agi follement pour leurs mutuels intérêts. Il arriva, en effet, que, depuis ce moment, il n’y eut plus ni paix ni trêve dans la maison, ni pour les domestiques, qui étaient sonnés à chaque heure de la nuit aussi bien qu’à chaque heure du jour, ni pour les gentilshommes de la chambre et les dames de la suite, qui eux, et elles aussi, étaient appelés à toute leur pour mettre le holà entre les deux Altesse, qui ayant double temps pour disputer, usaient et abusaient de ce fâcheux privilège au détriment de tout ce qui les entourait ; car ils avaient, bien entendu le double de querelles de chaque ménage, assez heureusement constitué, pour n’avoir que douze heures, au lieu de vingt-quatre heures à se chamailler.

À la fin, l’année — qui pour Tony avait eu la durée d’un siècle — arriva à son terme. Tony avait été saturé de grandeurs, de festins, de bals et du plaisir d’être servi à souhait par un troupeau de valets de toutes sortes ; cependant par simple habitude, il était assis à un banquet