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aussi Tony enchanté, dansa t-il, avec chacune d’elles, et finit par choisir pour fiancée la plus jeune des cinq sœurs.

— Et maintenant, dit Tony, voilà la vie dont je veux vivre ; je chasserai le jour, et toute la nuit j’aurai bal ; ce sera joyeuse manière de dépenser le temps jusqu’au jour de mes noces ; car lorsque je serai marié le temps volera à tire d’ailes.

Dire et faire pour Tony, c’était tout un, par suite le bal fut régulièrement l’ordre ... de la nuit ; et on dansa tant et tant de nuits consécutives, que danseurs et danseuses étaient sur les dents, voire Tony lui-même, bleu que son immense fatigue ne put lui faire trouver l’heure si bonne et si désirée du sommeil.

Vint enfin le jour des noces. Tony sonna pour de riches présents pour la mariée, pour ses sœurs, pour ses gentilshommes, pour tous les gens de sa cour, leurs familles comprises ; et il y eut une nouvelle série de fêtes, bals, concerts, parties de chasse, parties de pêche, et la mariée fut admirée de tous ceux qui eurent occasion de la voir, et sa beauté alla d’écho en écho semer à cent lieues à la ronde l’inappréciable bonheur de Tony.

Quand il eut joui de cette existence de plaisirs continus pendant un laps de temps assez long, Tony voyant la fatigue se peindre sur le visage de chacun, et le besoin de repos se faire sentir, "bien que lui comme l’homme monumental de Balzac, fut imposable, il congédia ses hôtes supplémentaires, et commença à vivre plus tranquillement et plus en famille. Mais si déjà il avait trouvé bien difficile de remplir les longues heures de son extra-existence au milieu du tourbillon de la dissipation et des plaisirs de toute sorte, ce fut bien autre chose quand il se renferma dans les habitudes plus modestes du cercle de la famille, et les heures lui pesèrent longues et silencieuses au milieu du calme monotone qui vint succéder au désordre bruyant des fêtes passées ; pour combler la mesure, des dissentiments se firent jour entre sa femme et lui.