Page:Chatelain - Rayons et reflets.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’allongea toujours, jusqu’à ce qu’enfin il fut devenu digne de rivaliser pour la grandeur et la beauté, avec les belles Iles Borromées elles-mêmes ; la forêt servit tout naturellement de confins à ce vaste et magnifique domaine si merveilleusement créé. Le palais se trouvait occupé par une foule de gentilshommes de la chambre ; un nombreux domestique en faisait le service, tout, en un mot, était d’un luxe royal. Tony cherchait des yeux le colporteur pour lui faire son compliment, et lui exprimer son admiration, mais le colporteur était devenu invisible à l’œil nu. Le nouveau seigneur s’en fut donc parcourir le palais, il en examina les peintures et les curiosités, demeurant en extase devant tout ce qu’il voyait, surtout quand il se prenait à penser que toutes ces belles choses lui appartenaient ; puis quand il eut assez admiré, il sonna pour le dîner. Aussitôt le dîner fut servi, un dîner splendide. Les gentilhommes de la chambre prirent place avec lui à table, chacun d’eux s’efforçant, par son esprit et sa gaîté, de lui complaire, de l’amuser, et s’empressant d’aller au devant des désirs qu’il pouvait former. Tony qui de sa vie ne s’était trouvé à pareille fête, fit largement honneur au festin ; mais bien qu’il eut mangé de tous les mets et bu de tous les vins, il ne se sentit pas la moindre envie de faire sa méridienne, selon son habitude, aussi cousu !ta-t-il ses convives sur ce qu’il avait de mieux à faire pour passer la soirée. Ils lui conseillèrent de jouer à différents jeux que chacun d’eux, à l’envi l’un de l’autre, s’offrait d’enseigner à son Altesse ; c’était de ce titre qu’ils le saluaient. On apporta des cartes, et Tony se mit en devoir d’apprendre ceux des jeux les plus aisés.

Toutefois, après s’être livré pendant assez longtemps à cet exercice nouveau qui lui parut une fatigue plutôt qu’un délassement, Tony se rappelant quel joyeux dîner il avait fait, ordonna qu’on servît le souper. Les gentilhommes de la chambre se rendirent au vœu de son Altesse, et l’on passa dans la salle du banquet où l’on soupa largement, le repas étant interrompu souvent soit par des intermèdes de