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— C’est, en effet, un marché de roi, et ce sera le vôtre, s’il vous convient, reprit l’étranger. Voulez-vous vivre dans un beau palais et devenir prince ? Vendez-moi sept années de sommeil.

— Mais comment cela peut-il se faire ? reprit Tony au comble de l'étonnement.

— C’est mon affaire, laissez m’en le soin, répondit l’étranger ; consentez-vous ?

— J’y consens, reprit Tony émerveillé de la splendide perspective qui s’ouvrait devant lui.

L’étranger retira alors de son havresac une sonnette d’argent de petite dimension et d’un riche travail d’orfèvrerie, et la présentant à Tony :

— Vous pourrez sonner, loi dit-il, pour tout ce qu’il vous plaira, et de suite vos désirs seront accomplis. A. la fin de la septième année, si vous sonnez pour que je vienne, nous pourrons renouveler bail pour sept, quatorze et vingt et une nouvelles années à votre choix.

— Mais, reprit prudemment Tony, supposons que je sois fatigué de ne jamais dormir avant l’accomplissement de ces sept années ?

— Vous pourrez sonner pour dormir le dernier jour de chaque année ; mais prenez garde que votre palais ne s’écroule pour ne jamais se relever de ses ruines.

Ces derniers mots furent articulés d’une voix à moitié endormie par l’étranger, qui, retombant sur sa chaise, prit immédiatement possession de cette bienheureuse nuit de sommeil si longtemps espérée en vain, de cette nuit qui devait avoir pour lui, pour le moins, la durée d’un an.

— Un palais ! un palais ! à moi vite un palais ! cria soudain Tony agitant sa sonnette comme un possédé.

En moins d’un clin d’œil, les simples habits de Tony firent place à la riche tenue d’un grand seigneur, la cabane disparut, et en son lieu s’éleva instantanément un superbe portique aux nombreuses colonnes du plus beau marbre annonçant majestueusement l’entrée d’une demeure princière. Le tout petit jardin s’allongea, s’allongea encore.