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jugeant d’après le bon appétit de sommeil qui lui restait à satisfaire, que l’heure où il avait coutume de se lever était encore loin, il répondit de mauvaise humeur àcette seconde interruption d’une occupation favorite ;

— Allez vous promener, si vous en avez l’envie, mais en vérité mon cher, laissez les autres dormir.

— Dormir ! murmura l’étranger, ne dirait-on pas que ce soit ce qu’il y a de plus désirable dans le monde entier ?

Mais la remarque mourut sans écho ; comme pour prouver qu’effectivement dormir était pour lui le souverain bien, notre Tony e’tait déjà rentré en possession de son sommeil, ou plutôt de son trésor, un instant égaré, et de nouveau ronflait fort bien, et bien fort.

L’étranger fut donc encore une fois forcé de prendre patience, jusqu’à ce qu’enfin, à son grand contentement, l’aurore aux doigts de rose, comme disent les poètes, ouvrit les portes de l’orient, et vint épandre ses feux sur la nature rajeunie.

À ce moment il commença à ouvrir la porte, à remuer sa chaise, à reculer la table, à faire en un mot toute espèce de bruit qui put suppléer aux paroles, afin de n’avoir pas à avertir de nouveau son voisin le dormeur qu’il était temps de se lever. Tony, toutefois, ne fut pas longtemps sourd an bruyant appel de l’inconnu :

— Maintenant, je suis votre homme, lui dit-il en se jetant hors du lit, et suis prêt à parcourir toute la forêt avec vous, si tel est votre bon plaisir, après, bien entendu, que nous aurons déjeûné.

S’apercevant ensuite que l’inconnu ne paraissait ni fatigué, ni reposé de la nuit qu’il avait passé, et que ses yeux, nu contraire, étaient tout aussi profondément brillants que jamais, il ne put s’empêcher de dire :

— Vous êtes un singulier homme d’être ainsi éveillé, êtes-vous donc si pressé de partir ?

L’étranger fit un signe de tête négatif.

— Si vous passez ainsi des nuits blanches, poursuivit Tony, vous laisserez vos forces à ce jeu. Asseyez-vous