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que, à vrai dire, l’étranger avait un tel laisser-aller de conversation, il racontait si bien des choses si merveilleuses et si interressantes qui n’avaient jamais auparavant frappé les oreilles de Tony, que ce dernier eut été bien fâché, ma foi ! d’interrompre le récit de son hôte par des questions oiseuses.

A la fin cependant, il se fit tard, et étant accoutumé à se coucher de bonne heure, Tony ne put pas plus longtemps résister à l’envie de dormir qui s’emparait de lui ; aussi offrit-il son lit à l’étranger, et il se disposait à s’étendre sur quelques peaux de bêtes placées dans un des coins de sa cabane, lorsque celui-ci l’assura que l’heure de son coucher n’était pas encore venue, et qu’il préférait, du reste, passer la nuit sur une chaise. Tony le laissa donc faire à sa guise, et s’étant jeté sur son lit, il s’endormit bien vite de ce sommeil profond que la fatigue et une bonne constitution assurent toujours à l’homme actif et travailleur.

Un tiers de la nuit n’était pas écoulé, quand Tony fut soudain éveillé par la voix de l’étranger qui lui disait :

Holà maître, il est temps de se lever ; voilà le point du jour.

Tony ouvrit avec peine ses paupières rebelles.

—Baste ! vous vous trompez brave homme, repartit-il, et vous prenez pour le point du jour le clair de lune. Pour Dieu ne pourriez-vous me laisser dormir eu repos ?

Et se prenant au mot lui-même, il se retourna sur sa couche, et incontinent recommença à ronfler de plus belle et à cœur joie.

L’étranger se remit sur la chaise, puis la quitta, puis marcha deçà delà dans la chambre, puis se remit sur sa chaise, et puis patienta quelques moments ; mais avant que les deux tiers de la nuit ne fussent achevés, de nouveau il interpella Tony pour lui dire qu’il faisait jour.

De nouveau, et bien malgré lui, Tony se hasarda à ouvrir les yeux, de nouveau il s’apperçut sans peine qu’il n’y avait aucun signe qui annonçât le point du jour : et