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il s’était fait une existence aisée, où l’utile et l'agréable se trouvaient réunis. En effet, le jour se passait à errer à l’ombre d’arbres séculaires, et quand venait la nuit, il avait pour s’abriter et se délasser de ses fatigues une petite chaumière toute gentille et toute proprette, entourée d’un charmant petit jardin qu’il cultivait avec amour pendant ses heures de loisir.

Tony vivait déjà de cette douce vie depuis plusieurs années, et était très connu dans tous les environs comme le chasseur le plus intrépide et le meilleur compagnon qu’on pût trouver à bien des milles à la ronde, quand un soir, comme il revenait chez lui par un beau clair de lune, il trouva le sentier qu’il parcourait, intercepté par un étrange personnage, qui avait plutôt l’air d’un spectre lunaire que d’une créature en chair et on os, comme vous et moi, tant son être paraissait diaphane, tant ses yeux surtout étaient d’un brillant inaccoutumé. Heureusement notre rencontré portait sur le dos une sorte de ballot-havresac, ce qui faisait naître la pensée qu’il appartenait à la classe essentiellement ambulante des colporteurs. Toutefois, une âme moins fortement trempée que celle de Tony eut bien pu être quelque peu émue à la vue de ce quasi-fantôme. Cependant d’une voix, qui n’avait rien que de naturel, le voyageur pria Tony de lui indiquer la route la plus directe et la plus courte pour sortir de la forêt.

—Oh ! rien n’est plus facile, répondit Tony, mais je vous en préviens, le plus prochain village est à une distance assez considérable, et il n’y a aucune auberge sur la route avant d’y arriver, ainsi donc vous ferez mieux de venir dormir sous mon toit, et de remettre à demain matin la continuation de votre voyage.

Tony fit cette offre à l’étranger, porté en partie par ce bon naturel qui faisait la base de son caractère, et en partie, l’avouerons-nous, pour se forcer lui-même à s’assurer qu’il u’y avait rien de surhumain dans l’homme-apparition qu’il