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LA FOLIE DE J.-J. ROUSSEAU.

un curieux passage des Confessions où Rousseau plaide lui-même les circonstances atténuantes dans certains cas. M. de Francueil l’invite à entrer à l’Opéra, prend les deux billets, qu’il paie naturellement, et remet à Rousseau le sien. La foule les sépare ; Jean-Jacques craint de se perdre, et le voilà qui rebrousse chemin, reprend à la caisse l’argent du billet et s’en va. « Comme jamais rien ne fut plus éloigné de mon humeur, ajoute-t-il en terminant son récit, que ce trait-là, je le note pour montrer qu’il y a des moments d’une espèce de délire où il ne faut point juger les hommes par leurs actions. Ce n’était pas précisément voler cet argent ; c’était en voler l’emploi : moins c’était un vol, plus c’était une infamie. »

Cet acte, tout d’irréflexion et d’absurde timidité, rappelle beaucoup l’histoire du ruban de Turin, et on en pourrait citer d’autres encore du même genre, dont certains, tout à fait indifférents en soi, ne sauraient être mis sur le compte d’une intention coupable. Décidément chez Jean-Jacques le premier mouvement n’était pas toujours le bon.

Je ne dis, du reste, pas que Rousseau fût