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Rendant ce lieu désert encor bien plus sauvage.
À son esprit troublé lors grandit cette image
D’abîmes recouverts, de crévasses sans fond,
De perfides marais, ou bien du lac profond,
Tous ces dangers cachés sous ce manteau de neige
Sans un moyen, un seul, de se garer du piège :
Ses subites frayeurs paralysent ses pas,
Ira-t-il donc braver ces multiples trépas ?
Non ; il se laisse cheoir sur ce monceau de glace,
Et tout à coup la mort vient lui montrer sa face,
La mort, si triste, hélas ! lorsque loin de son toit
Sans revoir femme, enfants, on doit mourir de froid.
En vain pour son retour sa digne ménagère,
Prépare un feu flambant, flanelle et bonne chère,
En vain ses chers petits affrontant le verglas
D’un œil guettent papa, papa qui ne vient pas,
Demandant avec pleurs d’innocence ingénue
Celui dont tant de cœurs appellent la venue.
Las ! le cher appelé, lui ne doit plus revoir
Amis, enfants ou femme. En proie au désespoir
L’hiver, le dur hiver dans sa neige le cloue,
Glisse jusqu’à son cœur, dans un glaçon l’écroue,
Puis cadavre raidi, sous la brise du nord
Dans son linceul tout blanc, il le pousse et l’endort !